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Camus and co
5 octobre 2013

VARGAS LLSOA - LE PARADIS

Roman publié en 2003 (Folio).

Extrait n°1

«   En l'entendant dire qu'elle n'était pas catholique, quoique chrétienne, le père Fortin sursauta et son petit visage rond pâlit. Il voulut savoir si cela signifiait qu'elle était protestante. Flora lui expliquât que non: elle croyait en Jésus mais pas en son Eglise, parce que, d'après elle, la religion catholique, en raison de son système vertical, entravait la liberté humaine. Et ses croyances dogmatiques étouffaient la vie intellectuelle, le libre arbitre, les initiatives scientifiques. En outre, ses enseignements sur la chasteté comme symbole de la pureté spirituelle attisaient les préjugés qui avaient fait de la femme, disons-le tout net, une esclave. » (p26)

Extrait n°2

«   Alors Paul se souvint qu'en cet hiver si dur dix-huit ans plus tôt, alors qu'il collait des affiches dans les gares de chemin de fer de Paris, le hasard lui avait mis entre les mains un petit livre qu'il avait trouvé, oublié ou jeté là par son possesseur, sur une chaise de café, près de la gare de l'Est, où il s'asseyait pour boire une absinthe à la fin de sa journée de travail. Son auteur était un Turc, l'artiste, philosophe et théologien Mani Velibi-Zumbul-Zadi qui, dans cet essai, avait mêlé ses trois vocations. La couleur, d'après-lui, exprimait quelque chose de plus caché et de plus subjectif que le monde naturel. Elle était une manifestation de la sensibilité, des croyances et des fantaisies humaines. La mise en valeur et l'usage des couleurs traduisaient le spiritualité d'une époque, les anges et les démons des personnes. Aussi les artistes authentiques ne devaient-ils pas se sentir tenus par un quelconque mimétisme pictural face au monde naturel: bois vert, ciel bleu, mer grise, nuage blanc. Ils avaient pour obligation d'user des couleurs en accord avec des exigences intimes ou le simple caprice personnel: soleil noir, lune solaire, cheval bleu, flots émeraude, nuages verts. Mani Velibi-Zumbul-Zadi disait aussi _ enseignement des plus conséquents à cette heure, Koké _ que les artistes, pour préserver leur authenticité, devaient s'abstraire des modèles et peindre en se fiant exclusivement à leur mémoire. Ainsi leur art matérialiserait-il mieux leurs vérités secrètes. C'est ce que, vu l'état de tes yeux, tu étais en train de faire, Koké. Le Sorcier de Hiva Oa serait-il ta dernière oeuvre de peintre? La question te donnait des nausées de tristesse et de rage. » (p529 à 530)

Extrait n°3

«   - Je peux te poser une question, Koké? _ Tohotam était restée mette et immobile toute la matinée, au point que Paul n'avait pas remarqué sa présence. Pourquoi as-tu mis cette cape rouge sur les épaules de mon mari? Haapuani ne s'habille jamais comme ça. Et je ne connais personne non plus, à Hiva, ou à Tahuata, qui le fasse.

- Eh bien ! c'est cela que je vois sur les épaules de ton mari, Tohotama. [...] Je vois tout le sang versé par les Maoris au long de leur histoire. En luttant entre eux, en se disputant la nourriture et la terre, en se défendant contre des envahisseurs en chair et en os ou contre des démons de l'autre monde. Dans cette cape rouge, il y a toute l'histoire de ton peuple, Tohotama. » (p531)

Extrait n°4

«   Peuple privilégié que le japonais. Il n'avait pas connu cette tragique séparation de l'artiste et de la foule, qui avait précipité la décadence de l'art occidental. Là-bas, au Japon, tous étaient tout: paysans et artistes à la fois. L'art ne consistait pas à imiter la nature, mais à dominer une technique et à créer des mondes différents du réel: personne n'avait mieux fait cela que les graveurs japonais. » (p581)

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