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Camus and co
1 janvier 2014

DOSTOIEVSKI - LE JOUEUR

Roman publié en 1867 (Babel)

Extrait n°1

«  Je me suis frayé un chemin vers le centre et je me suis placé tout à côté du croupier ; puis j’ai commencé à jouer timidement, misant deux ou trois pièces. Mais j’observais, je prenais des notes ; il m’a semblé que le calcul en lui-même ne signifiait pas grand-chose et qu’il était loin d’avoir cette importance que lui accordent nombre de joueurs. Ils restent là, ils notent des tableaux sur leurs papiers, ils remarquent des coups, ils comptent, calculent les pourcentages, dénombrent, puis ils finissent par miser _ et ils perdent, comme nous, simples mortels, qui jouons sans calcul. Par contre, je suis arrivé à une conclusion qui, elle, me semble juste ; une chose est vraie : au cours des chances du hasard, il existe, je ne dirais pas un système, mais une espèce d’ordre, ce qui, bien sûr, est très étrange. Par exemple, il arrive que, après douze chiffres du milieu survienne une série des douze derniers ; disons que le coup tombe deux fois sur les douze derniers, après quoi il passe au douze premiers. Il tombe sur les douze premiers, puis il repart sur les douze du milieu, y tombe trois ou quatre fois de suite et repart à nouveau sur les douze derniers où, de nouveau après deux fois, il repasse aux premiers, retombe une fois sur les premiers et passe encore pour trois coups au milieu et cela continue de cette façon pendant une heure et demie, deux heures. Un, trois et deux, un, trois et deux. C’est très amusant. Un autre jour, ou un autre matin, par exemple, il arrive que le rouge et le noir alternent sans presque aucun ordre, à chaque minute, de sorte qu’il n’arrive jamais que la bille tombe sur le rouge et sur le noir plus de deux trois fois de suite. Pourtant, le lendemain, ou bien le soir suivant, il arrive que ce ne soit plus que le rouge qui sorte ; cela peut atteindre jusqu’à vingt-deux fois de suite, et cela se passe obligatoirement durant un certain laps de temps, par exemple, durant toute la journée. » (p33-34)

Extrait n°2

«  Mais _ pourquoi donc ne puis-je pas ressusciter ? Bien sûr ! Il me suffit, juste une fois dans ma vie, d’être raisonnable, d’être patient et _ le tour est joué ! Il me suffit, juste une seule fois, d’avoir du caractère et, en une heure, je peux changer tout mon destin ! L’essentiel _ c’est le caractère. Quand je me souviens, seulement, de ce qui m’est arrivé il y a sept mois à Roulettenbourg, avant de perdre définitivement. Oui, c’était un cas étonnant de fermeté ; j’avais tout perdu, tout … Je sors du casino, je regarde _ dans la poche de mon gilet, il me reste encore un goulden. « Tiens, mon dîner ! » me suis-je dit ; mais je n’avais pas fait cent pas, j’avais changé d’avis, et je repartais au casino. J’ai misé ce goulden sur manque (cette fois-là, c’était sur le manque), et, oui, il y a quelque chose d’unique dans cette sensation, quand on est seul, à l’étranger, loin de sa patrie, de ses amis, qu’on ne sait pas ce qu’on va manger le soir, et qu’on mise son dernier goulden, oui _ le dernier, le tout dernier ! J’ai gagné et, vingt minutes plus tard, je sortais du casino avec cent soixante-dix goulden en poche. Ca, c’est un fait, mes bons messieurs ! Voilà ce que ça peut signifier, parfois, le dernier goulden ! Que serait-il arrivé si je m’étais laissé abattre sur le coup, si je n’avais pas osé ? … » (p211)

 

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